(mise a jour: 12/11/2022)
Né le 15 mai 1858 a Malicornay (Indre), Silvain Delage est le fils de Silvain Delage (1830-1908) et Marie Plicot (1834-1916). Il est le second de dix enfants nes entre 1856 et 1879 - meme si deux d'entre eux ne fêteront pas leur premier anniversaire.

Dans cette famille d'agriculteurs berrichons, Silvain est le premier fils, ce qui explique peut etre pourquoi il a hérité du nom de son père...
Cependant personne ne l'appelait Silvain: il était surnommé par tous le « Père Maurice ». C’est d’ailleurs pour cela qu'un des cousins de Michelle s’appelle Maurice. A sa naissance, ses parents ont décidé de l’appeler ainsi en hommage a l'arrière-grand-père. Sauf qu'en l'annonçant fièrement a René Delage, celui-ci a éclaté de rire et leur a dit que le vrai prénom de son père était Silvain et non Maurice... Dans la famille, personne n’a pu confirmer pour quelles raisons on lui donnait ce surnom, meme si une reference littéraire pourrait etre probable.


Silvain epousa a Gournay (Indre) Francoise Micat le 2 mars 1886, et aura avec elle six enfants, dont Rene, Auguste Delage (1903-1992) qui est notre rattachement a cette famille. Rene est le second garçon mais aussi le dernier de la fratrie. Deux de ses aines ont la particularité d'avoir épousé les membres d'une autre fratrie, puisque Lucienne et Pierre DELAGE ont épousé respectivement Emile et Marie BURAT... le même jour, le 24 juin 1922 à Bazaiges (Indre). Une autre soeur, Lucienne, aura un destin plus funeste puisqu'elle decedera en 1937 avec son mari Paul Villeneuve dans l'incendie de leur ferme.
Pour en revenir a Silvain "Pere Maurice" Delage, il était un homme pondéré, plutôt calme et respecté. Il était connu pour avoir « un don ». Il soignait à la fois les hommes et les betes de toutes sortes de choses. Dans cette partie de la France - le Berry - très touchée par les anciennes croyances, il n’est pas rare, encore de nos jours, que l’on trouve des histoires assez étranges. N'est-ce pas la le decor des romans de George Sand par exemple...
Silvain Delage avait un carnet sur lequel il notait les formules à prononcer pour enrayer telle ou telle maladie. Ce carnet a survécu aux années comme on le verra plus bas.
Silvain Delage avait une santé de fer. Il n’était jamais malade. Lorsque pour la premiere fois de sa vie, en 1936, il s’est retrouvé souffrant, cloué au lit, il a refusé de voir le docteur. Quand celui-ci arrivait a la ferme, Silvain lui tournait le dos pour l'ignorer. Il a ainsi préféré se laisser mourir, partant du principe que il aurait ete incapable de se suffire à lui-même s’il avait seul. Il ne voulait ni survivre à sa femme, Françoise Micat (1862-1938), ni être un poids pour ses enfants. Il est décédé le 23 novembre 1936 à l’âge de 78 ans. Françoise Micat lui a survécu deux années.
Les origines de la famille Delage.
Du plus loin que l’on fasse des recherches, les ascendants d’Auguste DELAGE sont tous originaires du département de l’Indre, ancienne province du Berry et plus particulièrement du Bas-Berry, proche de la célèbre Vallée Noire, chère à Georges Sand. Une seule branche vient de la paroisse de Méasnes, dans le département de la Creuse, limitrophe de l’Indre.
Si on reste sur la lignée directe des « Delage », le berceau de cette famille est donc la paroisse de Chavin où l’on trouve le premier acte connu, c’est-à-dire celui de baptême de Gabriel DELAGE, le 1er avril 1668, fils d’Etienne DELAGE et d’Andrée GIRAUD.
Acte de baptême de Gabriel Delage (1668 – 1736) datant du 1/4/1668
Ensuite, entre 1808 et 1814, la famille se déplace de quelques kilomètres pour s'installer à Malicornay, par l'entremise de Léonard DELAGE, né à Chavin le 19 mai 1780 et décédé le 15 mars 1845 à Malicornay. Une de ses filles, Marguerite, y était déjà née en 1804, mais en 1807, des jumeaux naquirent à Chavin, avant que ses derniers enfants, à partir de 1814, naissent à Malicornay. Il faudra attendre la fin du 19ème et le début du 20ème siècle pour que Silvain "Pere Maurice" DELAGE, né à Malicornay le 15 mai 1858, ne se déplace vers la commune de Bazaiges, où il y est décédé le 23 novembre 1936.
Hormis la famille DELAGE, celles associées par mariage venaient d’autres paroisses ou communes du département de l’Indre ou de la Creuse. Le Berry est donc indéniablement le berceau de cette partie de la famille qui n'a finalement commence a se disperser qu'avec la generation de Rene, Auguste Delage au milieu du XXe siècle.
Le carnet du Pere Maurice.
Pour apporter plus de couleur au profil atypique de Silvain Delage, je voudrais conclure en citant littéralement celui qui a le plus oeuvré a documenter la généalogie de cette branche de notre famille, Alain Delage. Il nous relate comment, étant enfant, il était allé en vacances avec son père dans la
ferme familiale de Chambord ou il avait prêté une oreille attentive aux discussions, tantôt en Français, tantôt en patois :
"Parmi toutes ces conversations, un thème, plus particulièrement, mettait en
éveil toutes mes facultés d'imagination.
Son objet : des dons surnaturels.
Son acteur : Silvain Delage, mon arrière grand-père.
Il avait plusieurs dons relatifs aux hommes, mais également aux animaux.
On ne peut pas dire qu'il était guérisseur au sens général du terme, mais il
avait la possibilité de
soulager certains maux,
ou toutefois de prévenir
certains tourments.
L'un de mes
préférés concernait les
vaches.
J'ai appris lors
d'une de ces soirées
mémorable que si une
vache mangeait de la
luzerne, elle avait de
grande chance de gonfler
et de mourir étouffée par
la fermentation et les gaz
que provoquait cette
herbe dans son estomac.
Je vous ai dit
que j'étais citadin !
Or Silvain,
lorsqu'il faisait paître ses
animaux dans un champ
où il suspectait la présence de luzerne, avant de les laisser entrer, disait quelques mots
et les vaches pouvaient batifoler à leur guise et se remplir la panse de cet aliment sans
ne jamais subir aucun dommage.
Pourtant un jour, alors qu'il était en train de dire ses incantations habituelles,
un voisin l'ayant interrompu dans son travail, une vache est entrée avant qu'il n'ait fini et
à commencé a brouter l'herbe interdite.
Mal lui en à pris puisque elle en est morte.
Toutes ces histoires me donnaient l'image d'un aïeul secret, un peu sorcier,
et il n'aurait pas fallu me pousser beaucoup pour que je l'imagine en train de faire
quelques potions particulières se rapprochant plus de Merlin l'Enchanteur que de Dieu le
Père.
Toutefois, la popularité qu'il avait dans le pays, l'amabilité et la serviabilité
qu'on lui attribuait me remettaient les pieds sur terre.
J'étais dans un endroit au nom prestigieux et mon ancêtre avait des pouvoirs
d'un autre temps, et tout cela au pays des "jeteurs de sorts " cher à George Sand.
Quoi de plus fabuleux pour un gamin plein d'imagination.
Mais le pompon de cette histoire, c'est lorsque j'ai appris qu'il avait consigné
sur un petit carnet ses secrets et ses prières.
J'ai donc immédiatement posé la question à mon grand-oncle Pierre, pour
savoir s'il était en possession de cette relique. La réponse fut décevante puisqu'il ne se
rappelait plus du tout où cet objet, pièce à conviction d'une histoire fabuleuse d'un autre
temps, pouvait bien se trouver.
Pendant de nombreuses années, j'ai reposé la même question à plusieurs
membres de la famille sans plus de succès.
Loin d'être une obsession chaque fois que je pensais à mon arrière-grand-père,
je l'imaginais en train d'écrire sur ce calepin tous les mystères de la création.
Dommage, il fallait me rendre à l'évidence, le carnet avait bel et bien disparu,
et je ne pouvais que raconter à qui voulu l'entendre, que j'avais un aïeul qui sortait de
l'ordinaire "puisqu'il pouvait sauver
les vaches de la luzerne ".
Malgré cette déception, ce
personnage me fascinait quand même, car il avait une autre particularité beaucoup plus
terre à terre.
Bien que sur son état civil, il ait le prénom de Silvain, tout le monde l'appelait
le "Père Maurice ".
Là aussi, aucune explication formelle sur cette identité, et pas l'ombre d'une
piste.
Silvain Delage était vraiment un être sortant de l'ordinaire.
Or quelques années plus tard (au moins trente), alors que je faisais mes
recherches généalogiques, et afin de me mettre dans l'ambiance d'un Berry que je
connaissais très peu, j'ai décidé de lire quelques romans champêtres de George Sand,
écrivaine par excellence de cette partie de l'Indre où se trouve le berceau de notre famille
le long de la Creuse en amont d'Argenton.
Le premier qui me vint à l'esprit, fut "la mare au diable ". Et quelle ne fut pas
ma surprise de découvrir au chapitre III, que le beau-père, un bien brave homme, du
personnage principal Germain le laboureur, s'appelait "le Père Maurice ".
A cet instant, on a l'impression que le monde s'arrête, l'imagination va bon
train, les hypothèses se bousculent et l'esprit vagabonde aux portes du rêve.
J'ai donc essayé de recouper la vie de George Sand, son oeuvre et la vie de
Silvain Delage.
La première constatation est facile puisque l'écrivain n'a pas pu s'inspirer de
Silvain pour écrire son livre. En effet, mon arrière grand-père est né en 1858, c'est à dire
treize ans après la parution de "la mare au diable".
Par contre, le contraire peut être plus intéressant. Il se peut qu'on lui ait
donné ce surnom parce qu'il ressemblait moralement au personnage.
Et là, on trouve quelques coïncidences.
George Sand habitait à Nohant, où elle est décédée en 1876, à une trentaine
de kilomètres de Malicornay, village natal de Silvain, mais elle a passé beaucoup de
temps, et surtout écrit, dans sa maison "Algira" de Gargilesse, où elle a choisi ce village
comme cadre de plusieurs de ses romans.
Un vie intellectuelle s'était installé dans ce "plus beau village de France ".
Or à partir de 1895, jusqu'en 1912, date d'achat de la ferme de "Chambord ", Silvain
Delage a vécu dans ce lieu (son fils Pierre y est né en 1899, sa mère Marie Plicot y est
décédée en 1916 et sa soeur Marie, Angélique, épouse de Joseph Brunaud, y a vécu à
partir des années 1880 et y est décédée en 1930).
Près de vingt années passées dans ce même lieu pouvait créer des liens
affectifs importants.
Il n'en fallait pas plus pour qu'à trente huit ans, l'imagination du gosse de huit
ans ne fasse encore des ravages.
Il se peut que face à la sympathie de Silvain, un érudit de Gargilesse,
amateur de l'oeuvre de George Sand, ne l'ait comparé un jour au personnage de "La
Mare au Diable ", et l'ait surnommé "le père Maurice".
Rien ne me permet de pouvoir affirmer cette théorie, et surtout prouver qu'elle
est vrai, et je doute pouvoir y parvenir, mais elle me séduit au point que je commence à y
croire.
La meilleure façon étant d'en parler, c'est ce que j'ai fait le lendemain des
retrouvailles du 11 juin 2000, alors que nous étions attablés, en famille, dans la grande
salle à manger de "Chambord ".
Mon récit parut plaire à plusieurs personnes, et je m'évertuais à expliquer
qu'il n'était pas possible que Silvain ait pu se trouver ce surnom tout seul car il n'avait
pas dû lire "La Mare au Diable ", le niveau scolaire de cette époque était beaucoup plus
bas qu'aujourd'hui, il devait savoir tout juste écrire.
Bien mal m'en pris car ma cousine Nicole, épouse de Jean-Pierre Gautron,
maître des lieux et arrière petit fils comme moi de Silvain Delage, se leva et me remis
une enveloppe qu'elle avait trouvé au fond d'un tiroir d'un vieux meuble de la ferme et
qui contenait quelques feuilles jaunies sur lesquelles s'alignaient des mots écris d'une
écriture régulière appliquée, voire émouvante.
Je commençais à lire : "Pour la vipère, je sais que Jésus-Christ, le Roi de
Gloire vient dans la paix et que le verbe s'est fait chair...". Je m'arrêtais de lire.
J'avais la preuve que Silvain savait écrire, mais surtout, j'avais entre les
mains la relique tant espérée à huit ans : "le carnet du Père Maurice "."
Sources: Alain Delage