Compte tenu de la presence de Delage plus tard dans la lignee, il est deja intrigant que de trouver un François DELÂGE a ce niveau de l'arbre. Mais il est encore plus etonnant que celui-ci soit renseigne comme etant le père de Marie VILLARD.
En effet, la mère de Marie VILLARD, Anne ETEFFE (ou Autef, suivant les actes), est née le 13 février 1857 à Saint Ouën-sur-Gartempe, dans le Haute Vienne. Elle épouse François VILLARD, de 13 ans son aîné, le 12 juin 1879 à Roussac (Haute Vienne), avec qui elle a une fille. Anne et François VILLARD sont domestiques dans une maison "bourgeoise", les "Delâge".
Le fils de la maison, François DELÂGE, né le 31 mars 1849 à Rancon (Haute Vienne) s'éprend de la domestique, Anne, et décide d'abandonner les siens, et une certaine aisance matérielle, pour vivre avec elle.
De son côté, Anne ETEFFE part avec François DELÂGE en abandonnant son mari. Anne ETEFFE et François DELÂGE s'installent dans le canton de Dun-le-Palleteau, au nord de la Creuse, à la limite de l'Indre. Anne ETEFFE ne divorcera pas et par consequent n'épousera jamais François DELÂGE. Ils auront ensemble 4 enfants: Alfred, Marie, Eugénie et Emile qui porteront légalement le patronyme "Villard".
A titre d'exemple, voici un extrait de la déclaration de naissance de Marie VILLARD, future épouse de Jean, Félicien REBY :
"L'an 1885 et le 30 novembre, à sept heure du soir, par devant nous… officier de l'état civil de la commune de La Chapelle Balouë, … est comparu le sieur Delâge François, surveillant, âgé de 37 ans, demeurant à La Chapelle Balouë, lequel nous a présenté un enfant du sexe féminin, né ce matin à neuf heures au bourg de La Chapelle Balouë, fille de Villard (François), domestique, âgé de 41 ans, demeurant à Roussac, canton de Nantiat (Haute Vienne) et de Eteffe (Anne), ménagère, âgée de 28 ans, demeurant avec le déclarant au bourg chef-lieu de cette commune et auquel il a déclaré donner le prénom de Marie…".
Ainsi, François DELÂGE déclarait ses enfants biologiques sous le nom legal de sa compagne.
Cette situation n'a rien d'extraordinaire car à l'époque le nom du mari de l'accouchée se substituait automatiquement au nom du véritable père même si celui-ci désirait reconnaître l'enfant.
Cela donne des situations ubuesques dans les registres généalogiques. Lorsque François DELÂGE est décédé, le 9 septembre 1917 à Dun-le-Palleteau, c'est un "voisin" (dixit l'acte) qui a fait la déclaration en mairie. Et ce voisin n'était autre que son gendre Jean, Félicien REBY, 33 ans, couvreur qui declara le defunt, le pere de son epouse... Celibataire et sans enfants. Dans la meme veine, lorsque la fille de François DELÂGE et d'Anne ETEFFE, Marie VILLARD a voulu épouser, en 1907, Jean, Félicien REBY, elle a été obligé de demander le consentement à son pere legitime François VILLARD. Enfin, comble des curiosites administratives, leur fils Alfred VILLARD, né le 5 juillet 1882 à La Chapelle Balouë (Creuse), est mobilisé en 1914 avant d'etre tué par l'ennemi au Bois de Béthelamville (Meuse), le 25 janvier 1917. Son acte de décès est transcrit sur les registres de la commune de résidence, en l'occurrence Dun-le-Palleteau, le 2 juin 1917 et rédigé ainsi :
"… acte de décès de Delage Alfred, soldat de deuxième classe au 342ème régiment d'infanterie, sixième compagnie de mitrailleuse, classe 1902, n° matricule 333 au recrutement de Guéret…"
Alfred DELAGE! Ce même nom est inscrit sur le Monument aux Morts de la commune de Dun-le-Palestel (Creuse). Son livret militaire est également renseigné de la même manière, mais un rectificatif de l'acte de décès et du livret intervient en date du 18 octobre 1923, et il est inscrit :
" Le nom patronyme du défunt n'est pas Delage. … Le défunt doit être dénommé Villard. … Ce militaire étant époux de Dupain Marie, Marguerite, Julie".
Cette modification de nom est pour le moins étrange car, que François DELÂGE déclare ses propres enfants sous le nom du mari officiel de sa compagne, est déjà drôle, mais que ses enfants portent quotidiennement le nom de "Delâge" alors qu'ils s'appellent légalement "Villard" au point de tromper même les autorités militaires, est encore plus étrange. Le Monument aux Morts reste (pour l'instant) fidele au pere biologique.
Pour quelles raisons Anne ETEFFE n'a jamais divorcé de François VILLARD ? Le divorce, instauré sous la Révolution française, avait été abrogé sous Louis XVIII, par le décret du 8 mai 1816 et qu’il avait été rétabli le 27 juillet 1884, mais pas par consentement mutuel. Les motifs invoqués pouvaient être l’adultère, par exemple, mais pas le consentement mutuel. Ceci explique alors que le mariage entre Anne Eteffe et François Villard, célébré le 12 juin 1873 à Roussac (Haute Vienne), ne pouvait pas être rompu légalement.
Pour terminer, il est à noter que sur l'acte de décès d'Anne ETEFFE, le 30 juillet 1924 à Eguzon (Indre), celle-ci est mentionnée "épouse de François Villard". La seule chose dont je suis à peu près sûr, depuis que j'ai pris connaissance de cette situation, c'est que je sais d'où viens le caractère trempé des 7 filles "Reby"… De leur grand-mère Anne !
Etymologie du nom Delage
Les "Delâge" de la branche de François DELÂGE ont un accent circonflexe sur le "a".
Cette orthographe est plus conforme à l'étymologie du nom. En vérité nous devrions, nous aussi, avoir un accent circonflexe sur le "a". En patois limousin, une "age" est une haie. On trouve beaucoup de lieux-dits portant le nom de "âge", notamment "l'Âge Barrière" à Saint Ouën sur Gartempe (Haute Vienne), le "Puy de l'Âge" à Celon (Indre), "l'Âge Quatre Maut" à Crozant (Creuse), "l'Âge Pourret" à Bazelat (Creuse) ou "le barrage de l'Âge" sur la Creuse, à La Celle Dunoise, pour ne citer que ceux-là. Un "Delage" est donc une personne qui habite près d'une haie, soit près "de la age" qui donne "Delaage". La suppression d'un "a" à fait ajouter l'accent.
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