9 février 2000

Aime Freynet (1890-1954) et Rosa Blache (1894-1933)

Mise a jour 25/6/2022

Ne le 10 deccembre 1890 a Lavaldens (Isere), Aime Justin FREYNET est le petit dernier d'une fraterie de sept enfants issus du mariage datant du 11 fevier 1879 entre Henri FREYNET (1841-1903), cultivateur, et Celenie CLAVEL (1850-1929), menagere:
  • Solange Freynet (1880-1931)
  • Celenie Augustine Freynet (ca 1881-1881)
  • Justin Freynet (1882-1914)
  • Henri Freynet (1883-1968)
  • Marie Celenie Freynet (1885-?)
  • Aime Philibert Freynet (1889-?)
  • Aime Justin Freynet (1890-1954) 
La famille s'aggrandit sur le plateau matheysin, entre les Fraux et Fontagneu, deux hameaux en aval du chef lieu de Lavaldens, sur la route qui descend vers La Mure. Ce sont des agriculteurs de montagne, avec quelques terres et quelques betes que l'on emmene paître  dans les alpages pour subvenir principalement aux besoins de la famille. 

Pourtant Aime va se former, grace a des stages, a une autre vocation : il deviendra tailleur d'habits et travaillera pour les habitants du plateau. Comme il a recu en heritage une maison a Fontagneu (ou sa fille Renee continue aujourd'hui d'habiter a la douce saison), il va l'amenager, la surelever... et s'y dedier une piece, ou a la chaleur du poele, il repare les fonds de pantalons, apose des pièces aux genoux, etc. Le tissu s'etale sur une grande table encombree de metres-etalons, de craie et de gros ciseaux. Quand il voulait faire des extras, Aime partait sur sa bicyclette chercher du travail dans toute la region, et il lui arrivait meme de monter jusqu’à La Morte.
Lorsque la premiere guerre mondiale eclate, il est rapidement mobilise. En aout 1914, il rejoint successivement le 36e Regiment d'Artillerie Lourde (16/7/1915) puis le 104eme Regiment d'Artillerie Lourde (le 1/11/1915) en tant que brancardier. Au cours de ses 5 annees passees dans l'armee, il devient infirmier et obtient une Croix de Guerre avec Etoile de Bronze, et recevra deux citations: 
  • Citation a l'ordre de l'Artillerie Lourde numero 11 le 6/6/17: "A, comme brancardier, sans autre soucis que l'accomplissement de son service, procede a la mise a l'abri de blesses et a leur evacuation sous de violents bombardements." 
  • "O/124/ au 1/9/1918, Infirmier d'un devouement absolu et sans bornes. Est alle, sous les du bombardement violent, notamment les 19 et 22 aout, relever ses camarades tues ou blesses, soignant ces derniers sous le feu en l'absence du medecin, et les transportant ensuite au poste de secours le plus proche. Deja cite..." (Citation tronquee) 
Il passera finalement au 46eme regiment d'artillerie de campagne en avril 1919 avant d'etre demobilise en aout 1919. Malgre cinq annees passees sous le feu de l'ennemi, Aime aura plus de chance que ses deux freres, eux aussi mobilises des 1914. Lors de la bataille de la Somme, ils sont ensemble sur le champs de bataille a Chaulnes le 24 septembre 1914. Justin, l'aine, meurt pour la France sur le champ de bataille tandis que son frere cadet est fait prisonnier et sera deporte a Altengrabow en Allemagne jusqu'a sa liberation en Janvier 1919. 


On dechiffre aussi sur sa fiche matricule qu'en mars 1923 il est le pere de deux enfants. A son retour du front, il a en effet epouse Rosa BLACHE (1894-1933), autre enfant du pays qu'il avait connue avant d'etre mobilise. Elle est elle-aussi issue d'une large fraterie basée au Villard. Rosa est la fille de Germain Eugene BLACHE (1843-1900) et de Celestine Anne-Marie PONCET (1853-?), deux patronymes qui resonnent fortement dans cette vallee alpine. Rosa a quatre freres et deux soeurs, tous nes entre 1881 et 1896, et qui seront élevés principalement par leur mere puisqu'au deces de Germain, les enfants ont entre 4 et 19 ans.
Primesautiere, tres vive, tres brune, de taille moyenne, Rosa a été formée comme culottière chez Guillot a La Mure. Quand Aime vient lui se former au metier de tailleur chez Eugene Blache, il a l'opportunité de faire connaissance de sa soeur, puis de la courtiser. C'est a son retour de la Grande Guerre qu'ils se marient a Lavaldens le 8 avril 1920, avant d'aller s'installer au hameau de Fontagneu. Ils auront ensemble deux filles.
12 mai 1932: Fernande lors de sa premiere communion, au premier rang a gauche, 
entourée de ses cousins Blache et Rutty. Sa soeur Renee a l'extreme droite des enfants.
L'ainee est ma grand-mere. Fernande Marguerite Rosa FREYNET voit le jour le 28 novembre 1921. Sa marraine est Mlle Pellat, fille du notaire chez qui Rosa avait été place comme bonne un hiver après avoir travaille dans une usine de soierie a La Tour du Pin. Fernande rencontrera son mari, Raoul CHAMBAZ, pendant l'Occupation alors qu'il fuit les Allemands qui incendient l'hotel de ses parents. Ils se marieront a la Liberation, en Aout 1945. Fernande apprendra elle aussi la couture, mais par correspondance. Un jour, un colporteur s'arrete a Fontagneu et vend a la famille des longueurs de tissus. Fernande et son papa vont alors confectionner un ensemble pour la fille cadette, Renee, alors agee d'une vingtaine d'annees. 
De gauche a droite: Aimé Freynet, Angèle Chambaz,
Raoul et Fernande Chambaz, Charles Chambaz

Renee est nee le 14 fevrier 1927 et elle epousera Henri VINCENT avec qui elle aura deux enfants : Roland, ne en 1949, et Joel, ne en 1956, mon parrain. Henri est cantonnier et il travaille au maintien des routes de montagne avec d'autres cantonniers dont son futur beau-frere, Raoul CHAMBAZ qui est base en amont sur La Morte. 

D'ailleurs, pendant la guerre, c'est lors d'un bal au Villard que Renee est approchee par Raoul. Tous deux bravaient le couvre-feu pour aller danser, mais Raoul voulait avoir des nouvelles de Fernande, restee a la ferme cette nuit la. Renee serait rapidement retournee chercher sa soeur avant de revenir a la vogue, cette fois accompagnee. Raoul et Fernande purent ainsi faire plus ample connaissance. Et la suite, vous la connaissez... Apres le deces de son mari en 1966, Renee epousera en secondes noces Georges MEYER, responsable de parc aux Ponts-et-Chaussees de Grenoble ou Raoul travaille desormais. On peut croire que c'est lui qui a peut-etre servi cette fois d'entremetteur...  

Malheureusement, Rosa ne connaitra aucun de ses beaux-fils puisqu'elle decedera en 1933, emportée par la tuberculose. A son deces, Aime prend sa retraite de tailleur pour s'occuper des terres. Il vend les quelques vaches qu'ils possedaient pour elever exclusivement des brebis, mais il conserve un cheval qui aidera aux labours. 

En 1939, quand le maire de Lavaldens, Hugues FREYNET est mobilise, c'est Aime, son cousin, qui assume l'interim. N'ayant pas ete elu, il agira en qualite de secretaire de mairie jusqu'au retour des mobilises dans leurs foyers.

Aime fera lui la connaissance non seulement de ses beaux-fils mais aussi de ses petits-enfants, puisqu'il s'eteindra le 10 juillet 1954, chez lui. Il a alors 63 ans. 

 Renee Meyer-Vincent, nee Freynet, en 2019 lors du mariage de son petit-fils 
Famille Joel Vincent, fils de Renee Freynet, lors du mariage de son fils cadet en 2019 
De gauche à droite: Joël ; Anthony est marié avec Floriane Tozzoli et ont 3 enfants: Lukas et Maèlyne, des jumeaux , et Soline ; Les maries, Yoann et Nelly Andrianasolo ; Florian ; Marie-Christine ; Marika accompagnee de son copain.

8 février 2000

Michel Hemery (1872-1931) et Marie Louise Sizun (1876-1927)

(Mise a jour: 23/04/2024)

Le 24 Novembre 1872, Michel Hemery nait a Chateauneuf-du-Faou dans le Finistere. Il est le fils de Laurent (1836-1882) et Anne Hemery (1836-1882), tous les deux cultivateurs dans le hameau du Verru sur la meme commune. Ses parents ont bien tous deux le meme patronyme : ils sont cousins issus de germains et partagent donc les memes arriere-grands parents. 

L'an mil huit cent cinquante huit, le vingt six du mois mars à onze heures du matin par devant nous, Hippolyte Raison du Cleuziou, Maire et officier de l'état-civil de la commune de Plonévez-du-Faou, canton de Chateauneuf, arrondissement de Chateaulin, est comparu Jean-Louis Sizun , âgé de trente et un ans, profession de cultivateur domicilié à Pennanech en cette commune, lequel nous a présenté un enfant du sexe féminin, né ce jour au dit lieu, à quatre heures du matin, de lui déclarant et de Marie Caro, son épouse, âgée de vingt huit ans, cultivatrice au dit lieu, à laquelle enfant il a déclaré vouloir donner les prénoms de Marie-Louise. Lesdites présentation et déclaration ont été faites en présence de Jean Rivoal , âgé de quarante quatre ans , et de Pierre(1) ……….. âgé de quarante ans, les deux cabaretiers au bourg de cette commune Et après que lecture du présent acte de naissance leur été faite, ils ont déclaré, ne savoir signer   Hippolyte Raison du Cleuziou

Quatre ans plus tard, le 26 Mars 1876, c'est Marie-Louise Sizun qui nait de Jean-Louis Sizun (1850-1924) et Marie Caro (1852-1882), cultivateurs a Pennanech sur la commune de Plonevez-du-Faou. 

Plonévez-du-Faou/Landeleau/Chateauneuf-du-Faou forment un triangle de moins de 10 km de cote, dans lequel se concentre l'essentiel des familles bretonnes de notre arbre. Si les deux familles qui nous concernent dans ce present portrait vivent dans deux villages différents, ceux-ci ne sont séparés que de 8 kilometres. Il est donc probable que les enfants se croisent aux foires ou aux fest noz ou peut etre dans les champs pendant les journées de moissons. Apres tout c'est une petite marche, ou un petit moment passe a l'arrière d'une charrette a bras, tirée par une jument... Et quand l'amour est au bout du chemin, le temps passe sans doute encore plus vite.


Le 16 juillet 1895, Michel et de Marie-Louise se marient à Plonévez à 17 heures, le mariage est célébré par Le Maire, Jean François Le Derrien. Michel a alors 23 ans, il est cultivateur et est orphelin puisque ses parents sont tous les deux decedes en 1882 a une semaine d'intervalle, son père Laurent le 4 mars, sa mère Anne le 13 mars 1882. Marie-Louise a elle seulement 19 ans. Elle est aussi cultivatrice, et si son père Jean Louis est bien présent à la célébration, sa mère Marie Caro est décédée depuis 1882. 




Les témoins sont Yves Hémery, frère du marié, âgé de 30 ans, cultivateur à Chateauneuf-du- Faou, Yves Férellec, âgé de 22 ans, cultivateur à Pennanech, village de Plonévez, Jean Poupon, âgé de 21 ans, maçon à Com, hameau de Plonévez et Jean Rosuel, âgé de 39 ans, instituteur au bourg. 

Le marié et son premier témoin ne savent pas signer. La mariée quand a elle s'en acquitte laborieusement, ce qui nous rappelle la faible education disponible dans les campagnes au XIXe siecle, et met en exergue la rarete de leurs contemporains, Mathurin et Marie Francoise Guyomar

De cette union un enfant, Jean Louis, naitra 18 mois plus tard et sera le premier d'une fraterie de neuf enfants qui s'elargira peu a peu sur une période de vingt ans, de 1896 a 1915: 
  • Jean Louis Hemery (1896-1922) 
  • Yves Hemery (1899-1985) 
  • Michel Hemery (1901-1984), le grand-pere de Marie-Anne.
  • Marie Hemery (1903-1929)
  • Louise Hemery (1906-1992)
  • Jeanne Marie Hemery (1909-1909)
  • Marguerite Hemery (1910-?)
  • Jeanne Hemery (1913-2002)
  • Henri Hemery (1915-?) 
La famille est installée a Plonevez et grandit donc dans le centre Finistere, entre labours et moissons. Michel avait ete dispense du service militaire du fait d'un martèlement prononce des orteils. Il ne sera pas non plus mobilise lors de la premiere mondiale car il est soutien de famille. Sa fiche matricule apparait donc quasiment vierge:

Le 18 décembre 1927, chez elle à Pennanech, Marie-Louise alors âgee de 57 ans decede. Dans l'acte de décès il est écrit intentionnellement "Héméry". Dans l'acte de naissance de son fils Michel on retrouve la même orthographe. Michel lui survivra jusqu'au 1er Juin 1931 a l'age de 58 ans. 


7 février 2000

Albert Emile Garcin (1885-1973) & Rosa Beaume (1888-1981)

(Mise à jour: 3/1/2022)
Le Drac en 1911

Dans le Trieves, a la fin du XIXe siecle; la typhoide fait des ravages. Antoine Garcin (1855-1935) est marie depuis le 12 juin 1884 a Julie Marie Brun. Ils travaillent tous deux pour le compte de Maitre Arnaud, notaire a La Mure, dans son exploitation agricole de Savel (38), lui dans les champs, elle comme domestique de maison. Ils auront ensemble plusieurs enfants dont Albert Emile Garcin, ne le 10 octobre 1885 a Saint Sebastien (38). Malheureusement plusieurs seront emportes par la maladie, tout comme la maman qui decedera en decembre 1887.

La Ferme Arnaud de Savel, et ses employes.
Deux ans apres le deces de Julie, Antoine epousera en seconde noce sa belle soeur, Emilie Eugénie Brun (1860-1900) avec qui il aura un second fils, Alexis Louis Prosper Garcin (1894-1963). Elle l'a rejoint a la ferme de Savel ou elle a repris le role de domestique tenu par sa soeur. C'est donc sa tante et belle mere qui eduque Albert tandis que le pere Antoine, surnomme Garcinou, continue de gerer l'une des plus grosses exploitations du plateau. Mais bientot Emilie sera elle aussi emportee par la maladie, laissant Antoine doublement veuf a 45 ans. Il restera encore une dizaine d'annees sur l'exploitation avant de se retirer a Saint Jean d'Herans. 
Savel, 31 octobre 1956

Une fois marie, Alexis partit sur Paris pour ouvrir une epicerie avec son epouse, Paula Noémie Cotte (1902-1970). Ils n'auront pas d'enfants et ont pris leur retraite a La Mure ou ils sont enterres. 

Albert, lui, suivra les pas de son pere et deviendra cultivateur d'abord a Savel, puis a St Sebastien, sur le canton de Mens. Il assume cette fonction lorsqu'il est appele sous les drapeaux pour participer a la premiere guerre mondiale le 4 aout 1914. 

Issu de la Classe 1905, avec le matricule 1705, sa mobilisation est breve car il est evacue comme blesse de guerre le 18 novembre 1914 a Richemont. En convoyant des munitions, il est en effet touche au pied droit avec fractures supposees d'un ou plusieurs metatarsiens. Il va etre hospitalise a l'Hotel Dieu de Lyon pendant sept mois a compter du 21 novembre 1914. 

S'il est reaffecte au 158e regiment d'infanterie le 23 juillet 1915, puis au 140e regiment d'infanterie le 25 octobre 1915, il sera ensuite detache a la maison Briel a Lyon le 22 octobre 1915 jusqu'a fin 1916 quand il rejoint a nouveau le 158e regiment d'infanterie le 11 decembre. Albert sera finalement demobilise le 25 mars 1919 (5e echelon) par le 140e regiment d'infanterie, et se retirera a son domicile de St Sebastien. Il recevra une pension temporaire d'invalidite de 15% par la commission de reforme de Grenoble pour fracture des 3e et 4e metacarpiens droits, une cicatrice solide d'appendicite et coliques par adherances intestinales... 

A son retour dans le Trieves, Albert retrouve son epouse Rosa GARCIN née BEAUME. Ils s'etaient maries a Saint Jean d'Herans le 25 avril 1914, quatre mois avant de partir pour le front. 


Rosa est nee le 6 avril 1888 a Saint Jean d'Herans, de Joseph Beaume (1853-1928) et Marie-Melanie Beaume, nee Borel (1858-1892). Celle-ci serait morte en couche et Rosa aurait assure l'education de la fraterie de 7 ou 8 enfants dont elle faisait partie pendant que son père  Joseph était dans les champs. 


Albert et Rosa auront eux deux filles nees dans la commune de Saint Sebastien: 
  • Berthe Garcin (1915-1998), ma grand mere.
  • Claire Garcin (1920-2012) 
Toutefois, selon toutes vraisemblances, leur union n'etait pas un mariage d'amour mais plutot une porte de sortie pour Rosa qui souhaitait s'extraire de la ferme familiale que son frere et son epouse avaient reprise. La suite de leur histoire le confirmera. 

Le Pont du Sautet, un des rares ponts reliant les deux berges du Drac 

 En l'absence de moyens de locomotion, tous les lundi, Rosa se rendait a pied au marché de La Mure pour y vendre les produits de sa ferme (oeufs, légumes, tommes). Or le plateau du Trieves et celui de la Matheysine sont separes par les gorges abruptes du Drac et les ponts sont encore rares. Il lui fallait donc descendre les pentes escarpees, traverser le Drac et remonter de l'autre côté, le tout à pied, par de petits sentiers, et avec sur le dos les produits a vendre. Au retour, elle rapportait de la laine, du fil à coudre… qui lui serviraient plus tard a confectionner les vetements de la familles. Lors de ses passages hebdomadaires elle avait parfois l'opportunite de croiser ses filles qui etudiaient au Chateau, le lycee de jeunes filles de La Mure et devaient sejourner chez l'habitant pour ne pas avoir a faire la trentaine de kilometres quotidiennement. 

 Michele Chambaz, nee Delage, dans les bras de
ses grands parents, Rosa et Albert Garcin (1953). 

Une fois les filles emancipees, et installees a Grenoble, l'ainee mariee en 1952 et la cadette fonctionaire a La Poste, le couple commenca une seconde vie. 

Après avoir vendu la ferme de Saint Jean d’Herans, le couple descend lui aussi dans la vallee pour s'installer d'abord à Saint Martin d'Hères, dans le quartier du Portail Rouge. Albert, pensionné et mutilé de guerre, occupe alors un emploi réservé de concierge à l'usine de chocolaterie Cémoi. Le couple demenagera ensuite dans le quartier de la Bajatiere de Grenoble, sur l'avenue Jean Perrot. 

Proche de ses sous et a priori colerique, Albert aurait alors ete violent avec Rosa, si bien que leur fille Claire serait alors intervenue, aurait recueilli sa mere chez elle, et n'aurait plus jamais revu son père. Les epoux furent donc separes de corps comme la formule d'usage le dit. Berthe continuera de rendre visite a son pere, lui faisant son linge, meme apres qu'il ait été placé à l’Hôtel Dieu, a l'époque encore tenu par des moines. Il y decedera en 1973. 

Rosa à la naissance de Cédric, en 1976

Rosa vivra chez sa fille dans leur appartement rue Edouard Vaillant jusqu'a son deces en 1981. Je me souviens de la voir, une frele mamie dans sa blouse fleurie, assise dans un fauteuil en retin coince dans l'angle de la petite cuisine, entre le radiateur et le frigo. Elle avait donc a portee de main les bouteilles de chantilly qu'elle me tendait en secret pour que je puisse me delecter a meme le goulot... 

 Et qu'est devenue la ferme de Savel? Elle a ete engloutie sous les eaux du Drac, tout comme le village eponyme, lorsque EDF a construit le barrage du Monteynard en 1962.

6 février 2000

Constantin Ruelle (1872-1939) & Lucie-Celestine Pichand (1871- avant 1917)

Mise a jour: 06/01/2022

Contantin, Marcelin Ruelle nait a Oris-en-Rattier le 11 mars 1872. Il est 4h du matin. Oris-en-Rattier est un petit village a flanc de coteau qui domine La Mure, non loin de la. Constantin est le fils de Francois Auguste Ruelle (1837-1911), cultivateur, et de Junie Moutin (1840-1910), menagere. 

Il est le quatrième enfants d'une fratrie de cinq enfants nés a Oris-en-Rattier:
  • Auguste Alphone Ruelle (1864-) 
  • Germain Emile Daniel Ruelle (1865- ) 
  • Marie Alphonsine Ruelle (1868-1948) 
  • Constantin Marcellin Ruelle (1872-1939)
  • Marie Lydie Ruelle (1876-1959)
A l'age de 30 ans, Constantin a quitte son village natal pour s'etablir a La Mure où il s'est lance dans une carrière de tailleur d'habits. Il y a aussi rencontre Lucie-Celestine Pichand, nee a Valbonnais le 18 decembre 1871, elle-aussi a 4h du matin. Elle est la fille de Francois Pichand (ca. 1839-?), cultivateur domicilie au hameau de Plechal, sur la commune de Valbonnais, et de Celestine Moutin (1844-?), menagere de Oris-en-Rattier.

L'homonymie des deux meres semble a priori fortuit, car je n'ai pu identifier de lien de parenté entre les deux individus. En revanche, il s'avère que Constantin et sa femme avaient un arrière-grand père en commun, et sont donc cousins issus de germain. Ce n'est pas très étonnant car la famille Moutin est intimement liee avec le village d'Oris-en-Rattier puisque le grand-pere de Lucie-Celestine, Pierre Moutin, en a ete maire a la fin du XIXe siecle, et que le cimetiere est largement peuple de sepultures a ce nom. C'est donc le pere du maire qui fait converger ces deux branches, au gré de deux mariages ce qui explique qu'il n'y ait qu'un seul ancêtre commun et non pas un couple.

Les deux fiances se marient le 10 octobre 1902, et en 1906 trois enfants resident avec leurs parents au 6 rue des Fosses a La Mure: 
  • Benoit Pierre (1899) 
  • Marcel (1904)
  • Georges (1905)
Lors du recensement de 1906, Lucie-Celestine est encore enceinte de Marguerite, la grand-mere de Marie-Anne. Elle naitra plus tard dans l'annee, le 10 septembre. Jeanne suivra un peu plus tard.  Malheureusement Lucie-Celestine décédera jeune puisqu'en Avril 1918 lorsque leur fils Benoit Pierre est mobilisé pour la Grande Guerre, Constantin est déjà veuf. 

La maison de la Famille Ruelle, deuxième store sur le trottoir de droite. 

Pendant la Guerre, Constantin sera lui aussi mobilisé. A la consultation de sa fiche matricule, (références 1675 de la Classe 1892, Bureau de recrutement de Grenoble), on apprend qu'ayant fait son service millitaire dans les Chasseurs a Pied, il est rappelé sous les drapeaux le 2 août 1914 suite à la mobilisation générale. 

Dans un premier temps renvoyé dans ses foyers le 31 aout 1914 comme soutien de famille, il est rappelé par les Chasseurs a Pied le 20 novembre 1914, et ce jusqu'au 11 juin 1915. Il a alors plus de quarante ans et se voit détaché a l'usine d'electro-chimie Des Clavaux (Isere) le 12 juin 1915. Il quitte ainsi le front pour contribuer a l'effort de guerre en produisant les materiaux necessaires aux combats. Cette usine fut en effet construite en 1898 par la Compagnie Universelle d'Acétylène et produira pendant son histoire différents type d'alliages ferreux pour les munitions, et plus tard du silicon. 

Mais en 12 octobre 1917, en tant que détaché agricole de Categorie B comme ouvrier a la préfecture de l'Isere, il est concerne par la Circulaire Ministerielle 94444 1/11 du 6 mai 1917 qui etablit que "Les hommes de la catégorie B (ouvriers agricoles, ainsi qu'agriculteurs des régions envahies) seront mis en route individuellement sur la préfecture du département où ils demandent à travailler, sans passer nécessairement par leur dépôt, après qu'ils auront produit la pièce exigée (certificat agricole, déclaration pour les hommes des régions envahies)." Au 10 novembre 1917, il retrouve donc le Bataillon de Chasseurs puis passe au 30e bataillon de chasseurs le 10 avril 1917 (mention rayee?). Il sera finalement démobilisé par ce dernier bataillon le 12 janvier 1919 (1er echelon) via une mise en conge illimite de de demobilisation.

Il rentre alors a La Mure. Completement libere des obligations millitaires le 1er octobre 1919, il reprend une vie normale et son activite de tailleur. Il epousera en seconde noce Marie-Celine Chemin, de 16 ans sa cadette, le 14 septembre 1921 a La Mure. 

L'aine des enfants, Benoit Pierre (classe 1919 matricule 1813), rentre de la guerre sain et sauf en 1921 apres avoir été en garnison dans les Pays Rhenans a l'Armistice et decide de s'installer a Lancey (38). Ses frères et soeurs sont en revanche encore des adolescents... Et les relations avec leur belle-mère semblent difficiles. Marguerite parlera peu de cette marâtre, mais toujours avec une petite amertume. 

Benoit et Georges suivront les pas de leur père en devenant tailleurs eux-mêmes. Le premier a Lancey, le cadet à La Mure où il peut faire valoir des accolades glanées lors de formations à la capitale:
Georges promeut le travail de la famille sur les marchés où il se rendait avec son voisin qui lui vendait des chaussures:

Les produits des ateliers Ruelle étaient reconnus dans toute la region et au delà puisque des commandes étaient passées par Le Bon Marché et les Galleries  Lafayettes de Paris. À La Mure, les clients qui achetaient un costume se voyaient offrir une chemise et une paire de chaussette quand ils venait retirer leur habits dans l’atelier de la rue du Breuil. 




Constantin décédera le 16 janvier 1939 a La Mure, Marie-Celine en février de la même année a Grenoble, un peu moins d’un an après le décès de leur fils Georges (1938) qui laissé une femme, Jeanne, et deux enfants Arlette et Georges. Ils ne connaitront donc pas leur petite fille, Nicole, qui naîtra en 1945.

5 février 2000

Gaetano Pietro Picchiottino (1872-1949) & Maria Margarita Recrosio (1880-1964)

(Mise a jour 29/11/2021)

Nous sommes a la fin du XIX siecle, dans le Piemont italien. Loin de la bouillante et industrielle Turin un peu plus au Sud, Ronco Canavese est un petit village encaisse au fond de l'etroite Val Soana, en bordure du parc national du Grand Paradis. C'est la que Gaetano Pietro Picchiottino nait en 1872. 

L'environement montagneux n'est pas des plus propices a l'agriculture, et l'economie y est de fait tres limitee. Durant les mois d'hiver, il n'est pas rare que ces vallees piemondtaises soient coupees du monde pendant plusieurs mois suite a une avalanche. Les gens y sont pauvres et ne mangent pas tous les jours a leur faim. A l'image des petits ramoneurs savoyards, de l'autre cote de la frontiere, les enfants sont souvent mis a contribution tres tot pour aider a subvenir aux besoins de la famille. 

Issu d'une famille de vitrier-zinceur, Gaetano Pietro part ainsi jeune tenter sa chance en France comme plusieurs de ses cousins. Il existe en effet toute une filiere d'entraide pour ces jeunes bras qui peuvent offrir leurs talents dans les villes frontalieres. Ils traversent les Alpes pour quelques mois, histoire de vendre leur industrie, faire un peu d'argent, avant de s'en retourner dans leurs villages, leur paie en poche. 

De fait, la presse de l'epoque fait etat de ces groupes d'Italiens, se deplacant de villes en villages pour chercher du travail... Ou faire fortune parfois par des moyens pas tres respectables. Dans une chronique legale de l'Impartial Dauphinois de fevrier 1874, on peut lire comment un certain Guillaume Picchiottino de Ronco, chaudronnier de son etat, s'est retrouve sur le banc des accuses pour avoir fondu de la fausse monnaie et l'avoir utilisee vers Bourg D'Oisans avec un complice lors d'un colportage en France. En 1884, un autre journal, le Patriote Savoisien, rapporte comment un groupe de Piemontais ont echange des coups de couteaux lors d'une rixe avec des habitants de Saint Jean D'Arvey, sans doute emeches. Le coupable, un certain Andre Picchiottino de Ronco passera trois mois en prison...

Bref, les Italiens ont le sang chaud et on ne leur rend sans doute pas la vie facile a ces migrants... Ce n'est donc pas tout a fait un hasard si l'on trouve la trace de Gaetano Pietro dans les registres carceraux de la maison d'arret de Briancon. On est en 1885, et celui-ci vient d'etre interpelle en flagrant delit de vol... Il ne s'agit sans doute pas d'un gros larcin car Gaetano Pietro ne sera incarcere que trois jours, entre les 3 et 5 juin... 

Vos calculs sont bons. Si le registre des naissances de Ronco est fiable, Gaetano Pietro est a peine age de 13 ans au moment des faits, mais son casier judiciaire ci-dessus lui en accorde 19. Difficile de savoir s'il a menti sur son age pour etre traite comme les adultes avec lesquels il voyageait plutot que d'etre place, ou bien si ce sont plutot les gendarmes qui ont fait du zele pour donner une lecon a cet etranger vetu de noir. En tous cas, du haut de ses 1m46 il ne devait pas faire le fier entre quatre murs.

En Janvier 1900, Gaetano Pietro est en Italie. Il epouse le 1er Février Maria Marguerita Recrosio, nee en 1880, elle aussi a Ronco Canavese. Ronco est un petit village est les quelques familles etablies dans ces vallees se marient entre elles sans doute pour proteger les petits patrimoines agricoles. Mais au cours de ses 18 premieres annees Gaetano Pietro a deja beaucoup vecu, et il comprend que l'avenir de son foyer s'ecrit ailleurs. 

Le couple part donc s'installer a La Mure, dans la region matheysine qui se trouvent a quelques centaines d kilometres, sur le versant francais des Alpes. La Mure a quelques atouts pour ces emigres: il s'agit d'une ville miniere qui reste finalement peu eloignee de leur terre natale et permet des allers-retours occasionnels pour rendre visite a la famille restee au pays. Il y a aussi du travail car l'industrie prend son essor en ce debut de siecle, et elle a besoin de combustible et de matieres premieres. Un jeune cousin les suivra quelques temps plus tard, sans doute inspire par ces aines : Giovanni 'Jean' Picchiottino passera aussi la frontiere definitivement puisqu'il epousera une fille du coin, Marie Philippine Serre, et se fera naturalise en 1927. 

Si Maria se fera naturaliser le 28 janvier 1928, Gaetano Pietro lui ne sautera pas le pas a priori. Il reste fidele a son Italie natale, et a son corps de metier. Il cree ainsi une entreprise de vitrerie et l'installe dans la maison familliale du 15 de la rue Cotte Rouge. En 1906, lors du recensement national, deux apprentis d'origine italienne resident avec la famille... Meme s'il s'est sedentarise, Gaetano continue de faire fonctionner la filiere des etameurs qui lui a permis d'en arriver la.   

Ce meme recensement nous apprend que le foyer s'est agrandi. Trois de leurs cinq enfants sont deja nes, deux de plus suivront. Selon les circonstances et les documents, leurs noms oscillent entre leur version italienne ou francaise, comme c'est souvent le cas pour les immigres de premiere generation. La fratrie complete incluera donc: 

Maria Marguerita et Gaetano Pietro vivent une vie rangee, et la prochaine fois que l'on voit apparaitre leur nom dans la presse locale ce sera pour les exploits sportifs de leur fils Pierre avec le Rugby Club Murois, ou parce qu'une... "poule égarée s'est réfugiée chez M. Picchiottino, rue Cotte-Rouge, chez qui le propriétaire peut la réclamer". Veridique! 

Meme la Grande Guerre ne viendra pas troubler cette quietude. En tant que resortissant italien et de part son age, Gaetano ne fut pas mobilisable dans les forces francaises, ni lorsque l'Italie entra en guerre en 1915.

Gaetano Pietro decedera en 1949. Maria Marguerita lui survivra jusqu'en 1964. Tous deux sont enterres a La Mure. Le couple y repose sous les prenoms Pierre et Marguerite...

4 février 2000

Mathurin Guyomar (1884-1920) et Marie Francoise Hourmant (1885-1931)

Note: Pour ce portrait breton, je m'en remets au travail genealogique et documentaire du cousin de Guillaume Hemery, Michel Guyomar. Malheureusement celui-ci est decede il y a quelques annees, mais ses archives m'ont ete transmises par sa fille, Anne, et son frere Louis. Les elements ci-apres sont donc largement a son credit. Merci.


Naissance dans une Bretagne a forte mortalite

Mathurin Guyomar est né le 2 novembre 1884 à Collorec, dans le hameau de Kérandouaré, situé sur la route qui mène à Plonévez où la famille Guyomar a longtemps vécu. Il est le fils de Jean Guyomar (1859-1894) et Anne Le Borgne (1859-1895) cultivateurs a Collorec. 

La maison de famille existe encore de nos jours, même si elle ne sert plus que de remise. 

On peut imaginer que la maison a été construite ou acquise par le grand-pere de Mathurin, puis transformée pour héberger une deuxième famille, celle et Jean et Anne quand ils se sont mariés. Dans sa première version une porte centrale en ogive donnait accès à toute la maison. Il y a desormais deux portes... 

Mathurin a une sœur cadette, Catherine, née en 1888. On les voit ici alors qu’ils ont 18 et 14 ans. Lui est un gaillard robuste. Il a les cheveux blonds et les yeux clairs. Il porte un costume traditionnel, mais déjà singulièrement simplifié. La tenue des hommes laissera rapidement la place à la tenue de ville. La tenue des femmes survivra plus longtemps. Catherine porte la coiffe de Collorec.

Mathurin et Catherine Guyomar en 1902

Ce sont des petits paysans nés dans une famille de condition moyenne. L’exploitation n’est pas très importante cependant la famille est propriétaire d’une maison plutôt grande pour l’époque. Leurs parents Jean et Anne vont mourir très jeune, Jean en 1894 et Anne en 1895. Ils seront élevés par leurs grands-parents, Mathurin et Jeanne-Marie. 

Marie-Françoise Hourmant nait le 29 octobre 1885, elle aussi au bourg de Collorec dans les maisons qui font face à l’église. Ses parents, Jean-Louis Hourmant (1856-1892) et Marie-Francoise Le Borgne (1860-1942) sont commerçants. Ils tiennent un petit magasin qui sert a la fois d'épicierie et de cabaret. Deux ans plus tard, son frere Guillaume nait. Cependant, alors que Marie-Francoise et son frere n'ont respectivement que 7 et 5 ans, leur pere decede. Nous sommes en 1892, et l'annee suivante Marie-Francoise Le Borgne se remarie avec Yves-Jean Martin, cultivateur au Cosquer, autre village de Collorec. Ils auront ensemble deux enfants, Marie Anne et Michel. Françoise Le Borgne vivra âgée et survivra longtemps à sa fille. Elle deviendra avec les ans la vénérable Grand'Mère du Francen. Elle est encore présente sur la photo faite en 1943 à l'occasion l'ordination de son petit-fils, Michel.

Alors qu'à cette époque beaucoup d’enfants restent encore sans aucune instruction, n'apprenant ni à lire ni à écrire, Marie et Guillaume fréquentent l'école et recoivent une bonne education. La tante de Yves-Jean Martin, Supérieure au couvent de Carhaix, va s'occuper de la scolarité de la petite Marie et de son frère.

Sur les deux actes de naissance des futurs epoux, on note la presence de Jean-François Hourmant, le frère de Jean-Louis, comme témoin. Dans ce petit monde de la campagne bretonne, les deux familles, à n’en pas douter, se connaissaient et entretenaient des relations amicales. Pas étonnant que leurs enfants se soient unis.

La rencontre

En ce tout début de XXème siècle, la vie à la campagne est difficile. Par temps de pluie, il est impossible d'acceder a la ferme de Kérandouaré tant il y a de boue (c’était encore vrai dans les années 50). Les maisons sont inconfortables : Les sols sont en terre battue, l’électricité attendra encore cinquante ans, l’eau courante à l’évier tout autant. Le chauffage est assuré par la grande cheminée de la pièce centrale. Les autres pièces ne sont pas chauffées. Il n'y a ni salles de bain, ni WC dans la maison. L’eau chaude n’est pas disponible, même dans les bourgs ou les milieux aisés.

Pour aller au bourg, il n'y pas encore de voitures, pas de vélos, pas de chars à bancs non plus, seules les fermes riches en ont un et la ferme des Guyomar n'en est pas une.
 
Alors Mathurin qui aime bien aller au bourg descend à pied quand il fait beau. La route est agréable. Elle n'est pas large - pourquoi d'ailleurs le serait-elle, il n'y passe que des charrettes? Elle est juste empierrée et bordée de talus. Quand il est plus pressé, ou quand il doit ramener des courses, il descend avec le cheval qu'il monte à cru, ou avec la charrette de l'exploitation. Il doit se rendre a Collorec, afin d'acheter le pain pour sa mère, le tabac pour lui et les autres hommes du hameau. C'est aussi l'occasion de boire un coup avec les garçons de son âge, et aussi d'aller à la messe le dimanche matin. 

C’est là à la sortie de la messe qu’il rencontre Marie avec qui il a joué pendant toute son enfance. Ils ont grandi sans se perdre de vue puisque leurs parents sont amis et les voilà maintenant jeunes gens. Il a 17 ans. Elle en a 16, et aide pendant son temps libre dans l'épicerie-café que tient sa mère. Les regards se font plus tendres, des compliments sont chuchotés, les mains restent l’une dans l’autre, des baisers furtifs sont échangés. Leurs premiers rendez-vous les conduisent de fest-noz en Pardon, l'idylle fait son chemin. 

Marie Hourmant, agee de 25 ans

Et un beau jour, les voilà mariés. C’était le 2 juillet 1905. On ne possède pas de photo de leur mariage. L’acte de mariage ci-dessous en tiendra lieu:
 
 
ACTE DE MARIAGE DE MATHURIN GUYOMAR ET DE
MARIE FRANCOISE HOURMANT

L'AN MIL NEUF CENT CINQ, le deux du mois de juillet à huit heures du matin, par devant Nous, Corbel Jean-François, maire, Officier de l'état-civil de la commune de Collorec, canton de Chateauneuf-du-Faou, arrondissement de Chateaulin, sont comparus en notre Maison commune, Guyomar Mathurin, cultivateur, célibataire, âgé de vingt ans, domicilié à Collorec et y né, le deux novembre mil huit cent quatre vingt cinq, fils mineur de feu Jean Guyomar, décédé à Collorec le vingt huit février mil huit cent quatre vingt quatorze et de feue Anne Le Borgne, décédée à Collorec le vingt juin mil huit cent quatre vingt quinze, assisté de Mathurin Guyomar, son grand-père, sans profession, domicilié à Collorec, ici présent et consentant, d'une part,
Et Hourmant Marie-Françoise, cultivatrice, célibataire, âgée de dix neuf ans, domiciliée à Collorec et y née, le vingt neuf octobre mil huit cent quatre vingt cinq, fille mineure de feu Jean Louis Hourmant, décédé à Collorec le onze septembre mil huit cent soixante douze et d'existante Françoise Le Borgne, cultivatrice, domiciliée à Collorec ici présente et consentante, d'autre part.
Lesquels nous ont requis de procéder à la célébration du mariage projeté entre eux et dont les publications ont été faites devant la principale porte de notre Maison commune, les deux dimanches consécutifs onze et dix huit juin dernier.
Aucune opposition à ce mariage ne nous ayant été signifiée après avoir été interpellés de déclarer s'il a été fait un contrat de mariage, les futurs époux et les personnes qui autorisent le Mariage, ayant répondu négativement;
Vu les extraits dûment légalisés, constatant les naissances et les décès dont il vient d'être parlé, pièces qui ont été déposées entre nos mains et qui seront annexées au présent; faisant droit à la réquisition des parties, après leur avoir donné lecture de toutes les pièces ci-dessus mentionnées et du chapitre VI du titre V du Code Civil, intitulé du Mariage, avons demandé au futur époux et à la future épouse s'ils veulent se prendre pour mari et pour femme. Chacun d'eux ayant répondu séparément et affirmativement, déclarons, au nom de la loi, que Guyomar Mathurin et Marie Françoise Hourmant sont unis par le mariage.
De quoi nous avons dressé acte publiquement en présence de
1° Le Borgne Jean, âgé de quarante neuf ans, profession de cultivateur, domicilié à Collorec, oncle au contractant.
2° Guyomar Marie Anne, âgée de quarante quatre ans , profession de cultivatrice, domiciliée à Collorec, tante au contractant.
3° Hourmant Jean Louis, âgé de vingt neuf ans, profession de commerçant, domicilié à Collorec, cousin à la contractante.
4° Sizun Jean Louis, âgé de cinquante cinq ans, profession de cultivateur, domicilié à Collorec, voisin aux contractants et après lecture du présent acte les contractants, la mère de la contractante et les témoins ont signé avec nous, le grand-père seul a déclaré ne le savoir faire.

Les jeunes mariés ont 20 et 19 ans, ils ne sont donc pas encore majeurs. C'est un dimanche, et l’heure de la cérémonie - 8 heures – peut surprendre. Le Maire Jean-François Corbel ayant déclaré les époux unis par le mariage, les époux et les témoins signent l’acte : Mathurin et Marie en premier lieu. Tous les deux ont une bonne maîtrise de l’écrit. En revanche, Mathurin, le grand-père du marié, déclare ne pas savoir signer. Françoise Le Borgne-Hourmant, bien que n’étant pas témoin signe cependant. Enfin on voit apparaitre sur cet acte Jean-Louis Sizun. Contemporain de Jean, il s'avere etre le Grand-Pere du futur epoux de l'ainee du couple... Dans le monde rural breton comme ailleurs, les liens entre familles sont legion.
 
Qu’ont fait les jeunes mariés de leurs premières années? On ne le sait pas. Mathurin habite à Kérandouaré, Marie au Cosquer chez son beau-père. Leur premier enfant Mathurin ne naîtra qu’en 1908. En 1909, ils vont devenir les exploitants de la ferme du Francen (la date est incertaine ). La ferme du Francen à Landeleau est la propriété de la famille Le Borgne que Françoise et Jean Louis ont tenue ensemble mais que celle-ci est contrainte d'abandonner à la mort de son mari en 1892. Ils auront trois enfants:
  • Mathurin (1908-1939), pere de Michel et Louis
  • Marie-Anne (1909-1993), mere de Guillaume Hemery
  • Michel (1919-1999), reverend-pere chanoine, missionaire en Haiti.
Collorec pendant la 1ere Guerre Mondiale

En 1914 quand la guerre éclate, Mathurin a déjà 30 ans et deux enfants. Il est cultivateur donc utile au ravitaillement du pays. Il a peut-être bénéficié d’un sursis. Mais il est parti quand même. La photo en tete de ce portrait date de 1917. On y voit la famille a cette date. Lui est en poilu, il a une tête sympathique, le poil clair, ras et déjà rare, la moustache fournie, le regard bienveillant. Je ne vois aucune tête dans sa descendance qui fasse penser à la sienne. Elle, ce n'est déjà plus la petite Marie, elle a pris de l'importance! Elle a deux enfants, mais elle a pris aussi des rondeurs. A ce moment, ils ont 33 et 32 ans, les deux enfants 9 et 6 ans.

Mobilise le 24 fevrier 1915, Mathurin va rejoindre le 2e regiment d'infanterie coloniale de Brest puis le 6e colonial de Lyon avant de reintegrer son regiment de Brest. Il sera evacue le 23 novembre 1916 avant d'etre propose pour une pension permanente de 100% pour Tuberculose Pulmonaire en juillet 1917. Il a en fait été contaminé par les gaz de combat, et s'il revient de la guerre en 1918, il n'a plus que deux ans a vivre. Il decedera en effet en 1920 et connaîtra à peine le dernier de ses enfants, Michel, né l'année précédente.

Marie-Anne Guyomar et son frere Mathurin, environ 1920.

Une femme veuve ne peut pas tenir seule une ferme, à plus forte raison avec trois enfants jeunes. Marie-Francoise Guyomar-Hourmant va donc quitter le Francen où elle sera remplacée par sa demi-sœur cadette, Marie-Anne qui a épousé Job Clech. Ses deux freres, Guillaume Hourmant et Michel Martin, n’ont pas la fibre paysanne et ne souhaitent pas reprendre. Le premier sera, entre autre, négociant en gros de pommes de terre et Maire de Landeleau ; le second, après de nombreux petits métiers (il a même été laitier dans la région parisienne) sera tailleur à Collorec.

Marie viendra vivre à Loch Conan dans la maison qu'elle fait construire et deviendra pour son entourage Marie « Ty Nevez » (la nouvelle maison). D'où tenait-elle l'argent nécessaire à cette construction ? Personne aujourd'hui n'est capable de le dire. A l'image de sa mere, Marie va y ouvrir une épicerie-bistrot et y élever ses enfants. Elle leur inculque la meme education qu'elle a elle meme recu enfant, ce qui est encore rare dans les campagnes. Elle a dû se contenter de maigres revenus, car ses seuls clients étaient, sans doute, les habitants de Loch Conan et des fermes alentour. Elle allait se réapprovisionner dans une charrette qu'elle menait seule jusqu'au Huelgoat. 

 Mais le mauvais sort s’acharne. Marie meurt en 1931, elle a alors 46 ans ses enfants 23, 22 et 11 ans. Si Mathurin et Marie-Anne sont autonomes, Michel sera élevé par sa grande sœur et protégé par son oncle Guillaume et sa tante Catherine.

Source: Michel Guyomar, Memoire des Hommes, Geneanet.